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Comment dater les moulins de Corbère les Cabanes

 

On sait qu'à la fin du XIX siècle, cette demeure abritait un moulin à farine et un moulin à huile. Ces moulins ont été loués à différents fermiers par les seigneurs de Corbère propriétaires de cette construction et du canal.

Longtemps durant cette période, les différentes archives ne font mention que d'un moulin à farine situé sur le canal

  • La première mention de moulin à farine sur le territoire de Corbère apparaît en 1319 ou Pere Guinard obtient le droit de construire sur le canal un moulin 4 meules ( par meule on peut entendre le volume d'eau pour actionner le moulin. Une meule, unité de débit d'eau, correspondait à environ 60 litres d'eau par seconde ) Pour cela, il doit s'acquitter d'un "cens de 10 émines d'orge" au roi de Majorque pour utiliser l'eau du ruisseau et "6 émines d'orge" au seigneur de Corbère qui lui a permis de construire le moulin sur ses terres. (1) 
  • En 1345, le procureur royal perçoit les revenus de deux "casals" de moulins à blé. L'un d'entre eux de 4 meules est situé dans le bourg , l'autre au lieu dit "Santa Cécilia". Ce moulin du bourg construit en 1320 aurait été abandonné en 1351. (2)
  • En 1369, Huguette fille de Pierre Peyrepertuse, seigneur de Corbère, avait en indivisis un moulin à blé avec les filles de Vinça Ceser(5).  
  • L'inventaire des biens après le décès de Francisca de Çacirera, en août 1667, fait état d'un moulin à farine ainsi qu'un moulin à huile et son mobilier (3) Mais-ne s'agit-il pas du moulin à huile représenté au cadastre Napoléonien, situé sur les bords de la Coume au bas du Château de Corbère ? Le moulin à farine pouvant se trouver lui sur le ruisseau à l'entrée de Corbère les Cabanes... Rien ne contredit cette idée d'autant que des documents postérieurs font état d'un moulin à farine sur ce canal.
  • En effet les "criées" du 15 mai 1706, réglant l'usage de l'eau, indiquent un moulin à farine sur le canal. (4)
  • Le 9 mai 1770 de nouvelles "criées" publiées, toujours pour réglementer l'usage de l'eau du ruisseau, parlent de l'hôtellerie et du moulin du Seigneur. De même, une lettre adressée au ministre de l'intérieur et datée du 3 août 1808, signée de François et Joseph Vilar d'Oms,mentionne qu'ils sont propriétaires sur le ruisseau de Corbère d'un moulin à farine. Dans les écrits, le moulin à huile associé au moulin à farine apparaîtra quelques quarante ans plus tard. (4)  
  • En 1847, dans un acte de fermage signé par Pierre Labadie, établi par maître Maria Antoine notaire à Thuir, on parle enfin, sur le ruisseau de Corbère, d'un moulin à huile attenant au moulin à farine.  De même, l'acte de fermage enregistré par maître Ferriol à Thuir en 1853 concerne : le ruisseau de Corbère, un moulin à huile et un moulin à farine(4)
  • Lorsque la ville de Perpignan achète à Léon de Vilar le ruisseau de Corbère, elle devient aussi propriétaire des moulins à huile et à farine. La vente est actée le 10 mars 1857. (4) 

En conclusion, le moulin de Corbère les Cabanes serait à l'origine un moulin à farine qui pourrait dater de 1320. Il aurait été abandonné en 1351 sans que nous connaissions  les motifs ( Le moulin dit de Santa Cécilia suffisait-il aux besoins du territoire de Corbère ? Et où se situait-il ? )

Si en 1667 un moulin à farine fait partie des biens de Francisca de Çacirera on ne sait pas dire s'il s'agit de celui de Santa Cécilia ou du moulin du bourg. Un peu plus tard, les "criées" du début du XVIIIeme situent, elles, le moulin à farine sur le ruisseau à Corbère les Cabanes.

Un moulin à huile attenant au moulin à farine n'apparaît qu'au milieu du XIXeme siècle. On sait qu'à cette époque, en 1848, les Pyrénées Orientales étaient le premier producteur d'olives. Il paraît logique que l'on ait abandonné le moulin à huile de la Coume, peu accessible et sans doute techniquement dépassé pour installer sur le ruisseau un moulin moderne et rentable et ainsi faire face à cette production.

Le moulin à huile s'arrêtera dans les années 1920. Les moulins deviendront une bergerie. Leurs murs sont transformés aujourd'hui en habitations.

 

Sources : ( 1 ) Moulins et irrigations en Roussillon Ed CNRS par Sylvie CAUCANAS - (2)  ADPO 1B 94 - (3) ADPO 3E4/30 - (4)  Archives de la mairie de Corbère les Cabanes - (5) ADPO 3E3/111

Le fonctionnement des moulins

Les moulins installés sur les ruisseaux du département étaient nombreux. Par exemple, sur le canal de Corbère il en existait un à Rodes et jusqu'à trois à Bouleternère. Malheureusement, comme dans ce dernier village, la plupart de ces moulins ont soit disparu, soit été aménagés en habitations ( celui de Corbère les Cabanes ), soit ont été transformés pour besoins agricoles.  Parmi ces usines, une des rares à avoir conservé ses mécanismes, sur le canal de Perpignan, est le moulin privé du Pont d'Espagne près de Millas. Il figure sur des documents de 1825. Tous ces moulins sur canaux devaient, sans aucun doute, adopter le même principe pour actionner leurs meules  en utilisant la force hydraulique.

En nous appuyant sur le modèle du moulin du Pont d'Espagne, en fonctionnement, l'eau arrive sous le moulin par un passage dit '' coursier'' . Elle est conduite sous pression sur une roue à eau horizontale qui est montée sur un axe vertical qui lui entraîne à l'étage, la meule tournante placée sur la meule fixe ou dormante. Lorsque le moulin n'est pas en action, les vannes des coursiers sont fermées. L'eau du canal est alors détournée vers un ''épanchoir'' avant de retrouver son cours normal.

 

Voir aussi le fonctionnement du moulin de la Pave à Laroque des Albères ( clic sur le lien )

 

http://www.laroque-des-alberes.fr/fr/office-de-tourisme/decouvrir/laroque/le-moulin-de-la-pave.html

 

 

Les moulins de Corbère les Cabanes

Les actes de fermage arrivés jusqu'à nous renseignent sur l'outillage et les meules des deux moulins attenants, farine et huile.  Le bail du 24 octobre 1853 signé par les meuniers Labadie père et fils nous fait part :

- pour le moulin à farine de 3 meules : elles sont représentées sur le plan cadastral Napoléonien. La première meule en entrant avec au dessous, la meule dite ''lo cétial''( meule gisante ou dormante) qui a seize centimètres un quart d'épaisseur. La meule du dessus appelée ''lo corrent''( meule tournante ou courante ) est épaisse de quinze centimètres. Elle est formée de 3 secteurs maintenus entre eux par des bandes de fer pour être ainsi plus résistante. La seconde meule du milieu est composée d'une meule dormante de huit centimètres et 12 millimètres d'épaisseur. La meule du dessus, ''lo corrent'' a vingt trois centimètres d'épaisseur. Enfin, la troisième meule est décrite, pour la meule gisante comme ayant dix neuf centimètres d'épaisseur et dix centimètres pour la meule tournante. Toutes ces meules sont en pierre ordinaire de pays. Elles sont toutes équipées d'un canal ou aqueduc en bois pour conduire l'eau sur la roue à aubes. 

Pour chacune de ces trois meules on retrouve comme accessoires une trémie dite ''trémuja'', ''la riscle'' support de bois de la trémie,  le ''rodet'' qui est la roue à aubes et le banc placé au dessous de cette roue. Dans ce bail sont encore citées une armoire pour la mouture de blé située sous l'escalier et une caisse en bois de peuplier toujours pour la mouture.

Comme outils il est, entre autre précisé, un  gros marteau, un ciseau de deux kilogrammes, une pelle en bois pour mettre la farine dans les sacs et deux ''riscles'' pour tenir ces sacs ouverts.  Notons une petite mesure en fer pour percevoir les droits de mouture.  

- pour le moulin à huile ce bail ne donne pas les dimensions de meule. il est indiqué seulement que ''Le rouet qui met en jeu la meule de la dite usine est en mauvais état''.  Parmi les ustensiles de ce moulin à huile , le document fait part de 80 cabas assez usagés, trois lampions à crocs, d'une pelle pour le feu, sept jarres représentant une capacité de dix sept hectolitres, un vase en cuivre, un décalitre et son entonnoir en fer blanc, marteau et ciseau en fer, une claire-voie en bois pour le réservoir ou ''tinell". Dans ses notes le propriétaire du moulin, Léon de Vilar propose d'augmenter ''le nombre de ces jarres ainsi que les bassins ou "infern" en agrandissant leur local du double''.  Il indique avoir fait ''agrandir aussi le pont sur le ruisseau qui n'était que muletier pour le rendre carrossable'' .    

 

 

Le moulin à farine de Bassilour. Photo de Daniel Villafruela

Donne une idée de ce pouvait-être le moulin à farine des Cabanes

Images moulin de bassilour

Plan cadastral napoléonien représentant en partie le village 

Le moulin représenté en bas à gauche sur le ruisseau

Plan cadastral les cabanes

Propriétaires et fermiers des moulins au XIXeme siècle

Les propriétaires des moulins

 

Le moulin à farine, plus tard celui à huile, le canal, étaient la propriété des seigneurs de Corbère.  Le dernier de cette lignée fût Léon de Vilar qui vendit, pour raisons financières, le 10 mars 1857, à la ville de Perpignan le ruisseau, différents prés et les moulins. L'acte de vente signé chez Maître Boluix fait part d'une transaction de 100.000fr.

Trente deux ans plus tard, le 27 juin 1889, la ville met aux enchères la vente du canal et des moulins. La vente est annulée faute d'offres.

Le 4 décembre de la même année, Jacques Salvat, garde vannier, se porte acquéreur du ruisseau et une association de propriétaires achète les moulins de Corbère les Cabanes. Il s'agit de Trinchet Joseph, Marius Pierre, Pixon Joseph, Pull André tous habitants de Corbère les Cabanes. L'acte de vente est établi par Maître Pares notaire à Perpignan. Le ruisseau est acheté 500fr et les moulins 22.000fr . Ces quatre associés auraient eu l'intention de transformer les moulins en caves vinicoles. Mais ces acquisitions discrètes, faites semble t-il en catimini, sont mal perçues dans la communauté villageoise des deux Corbère... 

 

Le contenu partiel de l'acte de fermage du 24 octobre 1847

 

C'est le bail le plus instructif des deux ou trois archivés à la mairie de Corbère les Cabanes concernant les moulins.

Il est signé, chez Maître Ferriol notaire à Millas, par le bailleur Léon de Vilar capitaine d'artillerie et les preneurs, Jean Pierre et Joseph Labadie meuniers demeurant à Corbère.  Le bail porte sur le ruisseau, les deux moulins et deux pièces de terre plantées d'aulnes et de peupliers. Ces dernières sont situées l'une à Vinça l'autre à Rodes. Suit le détail des outils et accessoires du moulin à huile.

Il y est indiqué que'' Les preneurs seront tenus de rendre les dits objets dans le même état à l'expiration du présent bail''. Mis à part les grosses pièces à la charge du bailleur, en cas de renouvellement,''tout autre frais à faire pour la mise en jeu de cette usine seront à la charge des preneurs''. Suit la description et l'estimation des trois meules et des objets et outils du moulin à farine.

En cas de désaccord durant le bail, chaque partie choisira un avocat du barreau de Perpignan.

Le montant du fermage est accepté pour huit années, pour la somme de 5250fr par an payable ''en or ou en argent en trois payement égaux de 1750fr'' de quatre mois en quatre mois.

Ce bail est enregistré le 5 novembre 1853 à Thuir.

Dans ce document incomplet n'est pas consignée la partie qui concerne le ruisseau et les deux pâtures plantées d'aulnes et de peupliers.

 

 

Les différents fermiers des moulins entre 1847 et 1887

 

Nous sont parvenus les différents fermiers et le montant des baux durant cette période de quarante ans. Les propriétaires des moulins ont été sur cette période, la famille de Vilar ( 1847-1857 ) et ensuite la ville de Perpignan.

- Jean Pierre Labadie de 1847 à 1852 : le bail concerne le ruisseau et le moulin à huile.

- Jean Pierre et Joseph Labadie son fils de 1853 jusqu'en 1857 : le bail concerne les deux moulins et le ruisseau. 

- Labadie de 1857 à 1862 : montant du bail 3700fr par an pour les deux moulins.

- Sautes de 1862 à 1867 : montant du bail 5500fr par an pour les deux moulins.

- Labadie de 1867 à 1872 : montant du bail 2600fr par an. ( Sans connaître le contenu des derniers baux )

- Cerny de 1872 à 1877 : montant du bail 2700fr par an.

- Ricard de 1877 à 1882 : montant du bail 1500fr par an.

- Ricard de 1882 à 1887 : montant du bail 1500fr par an. 

 

Nous ignorons leurs derniers successeurs ni les prédécesseurs de Jean Pierre Labadie en 1847 si ce ne sont Roig Ferriol en 1769 et Pierre Roig Busquet en 1797 qui sont notés comme meuniers dans les patentes de l'époque.

 

      

 

 

Extrait du bail du 24-10-1853 concerne outils et accessoires du moulin à farine

 

outillage moulin à farine 

 

 

Extrait du bail du 24-10-1853 concerne outils et accessoires du moulin à huile

 

outillage moulin à huile

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