Le canal de Corbère

L'histoire du canal

 

Le pont-aqueduc d'en Labau

 

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 A l'origine : le canal Royal de Thuir

Si de longue date les territoires du Roussillon étaient irrigués par de nombreux canaux, au XIVe siècle, la réalisation du canal Royal de Thuir (dont une partie deviendra le canal de Corbère) se distingua par sa longueur mais surtout par la nécessité de construire d'importants ouvrages d'art pour acheminer l'eau de la Têt jusqu'à Perpignan.  Avec l'accord de Jacques Ier de Majorque le creusement du canal, financé en partie par la ville de Thuir, prend effet dans les années 1310. Il avait pour fonction première d'arroser les terres sur son tracé, mais aussi d'alimenter une série de moulins et d'amener l'eau au palais de Majorque et ses jardins.

 

Son parcours : "la resclosa" ou prise d'eau se faisait sur la rive droite, en aval du village de Vinça ( le barrage actuel n'existant pas, bien-entendu ) . Un premier ouvrage d'art, le pont-aqueduc de Sant Pere lui faisait traverser la Têt à l'entrée des gorges de La Guillère pour emprunter la rive gauche. On peut encore distinguer la base des piles de ce pont sous le barrage actuel. Le ruisseau suivait ainsi ces gorges avec un passage délicat en corniche le long de la roche Colomère. Il reste aujourd'hui les renforts de pierres sèches qui soutenaient le canal pour franchir l'obstacle.  A la sortie des gorges, le canal revenait rive droite en empruntant l'imposant pont-aqueduc d'en Labau. Aujourd'hui on peut en admirer les ruines d'arches importantes,  ( Cet ouvrage était, avant la construction du pont Séjourné, sur la ligne du train jaune, le plus haut des ouvrages d'art du département.  Depuis 2011 ses ruines sont classées au titre des monuments historiques ) 

De là le ruisseau se dirigeait vers Bouleternère, St Michel de Llotes, Corbère les Cabanes, Thuir, Canohès et Perpignan . Là, pour franchir la dépression du Sarrat d'en Vaquer on construisit un aqueduc dont les douze arches en cayrous sont toujours visibles de nos jours.

Mais ces constructions, notamment les deux ponts-aqueducs au départ du canal, se révélaient fragiles lors des crues de la têt. Ce fût le cas lors des inondations de novembre 1403 et octobre 1421 où ils furent lourdement endommagés. Devant ces catastrophes successives, on décida d'abandonner ce parcours pour creuser un nouveau canal. 

 

Le canal de Perpignan dit ''les canals''

La prise d'eau se fait après la ville d'Ille sur Têt. On abandonne donc le parcours entre les villages de Rodès et Thuir pour rejoindre le canal primitif bien en amont de Canohès. Les travaux commencent en 1423 et sa mise en eau se fera en octobre 1425. 

Les canaux de Thuir et de Corbère

La réalisation du canal de Perpignan entraînera la création de ces deux nouveaux canaux. Se trouvant sans eau la ville de Thuir décidera le creusement d'un nouveau tracé. La "resclosa" se fera en amont de la ville d'Ille sur Têt et rejoindra le canal primitif après Corbère les Cabanes. Les travaux sont entrepris en 1427. Ce canal conservera  son nom originel : ''canal Royal de Thuir''.

 

 

 

Le difficile passage en corniche à la roche Colomère

 

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Corbère, dans la même situation que Thuir, sans eau, rachètera la partie abandonnée du canal primitif. Louis Oms, seigneur de Corbère remet en état les ouvrages abîmés par les crues. Jusqu'en 1725, le canal suivait le parcours d'origine, en empruntant les ponts-aqueducs pour rejoindre le nouveau canal de Thuir à Corbère les Cabanes. Hélas, cette année là, une inondation met gravement à mal ces constructions. Trop fragile, le parcours rive gauche est définitivement abandonné. De Boisembert, seigneur de Corbère, est alors autorisé à utiliser, rive droite, le canal de Rodès et à creuser dans les gorges de La Guillère, jusqu'à l'aqueduc d'en Labau, le canal qui est toujours utilisé et porte le nom de canal de Corbère.  

 

Source : LES CANALS Le Canal Royal des Perpignan et ses mas riverains. Editions Traboucaire  

Le parcours des différents canaux

 

Les Canaux

Un canal, des hommes...et des querelles !

L'histoire du ruisseau de Corbère, n'est pas celle ''d'un long canal tranquille''

Si l'utilisation de l'eau a toujours fait l'objet de règles, aussi loin que nous permet la documentation, elles ont souvent fait l'objet de détournements, contestations ou violations de la part d'utilisateurs et tenanciers du ruisseau. 

Ces différents se terminaient devant la justice. Cela entraînait la proclamation de règles nouvelles pour la gestion du ruisseau. Deux ou trois exemplaires des criées du XVIIIeme siècle sont encore dans les archives de la mairie de Corbère les Cabanes. Un document disponible fait part d'une quinzaine de criées entre 1699 et 1770. Les amendes et règles de la cruciale distribution de l'eau évoluaient régulièrement. Elles traduisent les tensions qui existaient entre les seigneurs de Corbère et les usagers du ruisseau.

Les criées du 15 mai 1706 comprennent 10 articles. Celles du 9 mai 1770 publiées les 17 et 27 du même mois comportent 14 articles consacrés au ruisseau.

Un autre document recense 29 procès de Xavier Clément de Boisembert (1681-1739) ou son épouse Thérèse (1694-1772) contre les utilisateurs du canal. Procès contre les propriétaires des terres d'Ille, de St Michel de Llotes, procès contre les consuls et syndics de Bouleternère, contre les consuls de Thuir, contre Jean Tarris, contre Hiacinthe Jacomet, contre Joseph Llech...etc etc...

La période post-révolutionnaire n'échappe pas aux mêmes difficultés. Une lettre datée du 3 aout 1808 est adressée au Ministre de l'intérieur par les frères François et Joseph Vilar d'Oms propriétaires du ruisseau. Elle a pour but de réviser à la hausse les amendes pour ''maintenir la police et le bon ordre'' sur le ruisseau. La commune de Corbère est victime de désordres et abus depuis des années, écrivent-ils. Les amendes de un et deux francs sont insuffisantes. Les rédacteurs sollicitent le Ministre pour qu'il porte à vingt et trente francs le montant des amendes.     

 

Sources : archives de la mairie de Corbère les Cabanes

De l'eau détournée au profit d'Ille ?

Pour la petite histoire, une anecdote nous est parvenue qui concerne des soupcons de pratiques douteuses de communes en amont...En août 1852, les propriétaires de Corbère constatent que le volume d'eau est anormalement insuffisant pour arroser leur territoire. Quelques uns décident de remonter le canal pour comprendre la raison. A Bouleternère ils poursuivent en direction de Rodès accompagnés du "réguier" de ce village, M. Dauviolet ''et de deux autres jeunes hommes armés d'un fusil chacun'' 

Arrivés à proximité de Rodès les deux hommes déchargent leur fusil. Les Corbériens sont persuadés qu'il s'agit d'un signal pour avertir''afin qu'il n'y ait pas de fraudes aux oeils ni au déversoir du dit canal'' Il faut dire que le déversoir à proximité de Rodès renvoie l'eau du canal dans la Têt et plus bas, près d'Ille, se trouvent la prise d'eau d'autres canaux...En cet été de sécheresse l'eau de Corbère était-elle détournée au profit de canaux en aval ? C'est en tout cas une des conclusions qu'en tirera le "réguier" de Corbère.

 

Sources : archives de la mairie de Corbère les Cabanes

Les propriétaires successifs du canal

Au XIXeme siècle, les turbulences du canal furent d'un autre ordre. Sur une période d'une cinquantaine d'années les propriétaires du canal se succédèrent curieusement. Depuis le 10 janvier 1430 le ruisseau appartenait aux seigneurs de Corbère.

Ne pouvant en assurer son entretien, Léon de Vilar le vendit à la ville de Perpignan le 10 mars 1857.

Elle-même le céda le 4 septembre 1889 à Jacques Salvat pour la somme de 500 francs.

Ferriol Pla devint le propriétaire suivant le 1er mars 1893. Il conserva le canal pendant un an pour le vendre à son successeur, Louis Pla de Corbère qui l'acheta le 1er avril 1894.

En 1898 le premier tronçon du canal fut cédé à Bartissol pour la somme de 500 francs.

Le deuxième tronçon devint la propriété de l'association syndicale de Corbère, St Michel de Llotes et Ille le 9 août 1898.

La cession à l'association de Corbère les Cabanes fut actée en février 1908.

 

Depuis le 1er janvier 2011 le ruisseau est maintenant géré par l'ASA du canal de Corbère qui est issue de six autres ASA dont les ASA section de Rodes, Bouleternère et St Michel de Llotes. 

 

Sources : archives de la mairie de Corbère les Cabanes

 

''Criées du 15 mai 1706 portant réglement par la manière d'arroser dans le terroir de Corbère''

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Le Canal aujourd'hui

Le canal est aujourd'hui la propriété d'un syndicat ( ASA  du canal de Corbère ) qui a la charge de la gestion de la ressource, l'entretien et l'aménagement du canal.

Les moulins à eau, qui jalonnaient son parcours, ayant en totalité disparu, l'unique fonction du canal est l'irrigation des terres agricoles de Rodés jusqu'à Corbère les Cabanes. 

Les principales évolutions du canal moderne

- Après la construction du barrage de Vinça, la resclose primitive disparaissant, la prise d'eau se fait maintenant directement au barrage par une conduite d'acier.

- Pour préserver la ressource, en évitant les infiltrations, le canal est pratiquement bétonné sur la totalité de son parcours de 15km.

- La presque totalité des parcelles irriguées, le sont maintenant "sous pression" par un réseau de conduites entérrées contribuant à économiser l'eau par l'arrosage au goutte à goutte. Le principe par gravitation, avec son réseau d'agouilles, tend à disparaître.  

 

Au départ du canal

 

 

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Bouleternère, aux emplacements de moulins à huile et farine

 

Bouleternère aux l'emplacements de moulins à huile et farine

Le canal bétonné

 

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Entrée du syphon pour franchir le Boulès

 

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Ecoutons Pascal et Elie Maillols nous parler du canal 

 

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