L' EGLISE SANT JULIA DE VALLVENTOSA

Cette page sur l'église St Julia de Vallventose a été réalisée à partir du Compte-rendu des fouilles faites par le pôle archéologique des Pyrénées Orientales en 2008. Document rédigé par O. Passarius avec la collaboration de A. Catafau et P. Ille.  

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Occupation humaine dans la vallée de Vallventose

Au Xème siècle, la petite vallée de Vallventose au sud du village était déjà occupée par des ''Corbériens''. Pour trouver la trace de cette présence humaine il faut se pencher sur l'inventaire du cartulaire de St Michel de Cuxa ( Un cartulaire est un registre qui contient la transcription des titres de propriétés et privilèges d'une église ou d'un monastère ) Ce cartulaire a été analysé au XVIIIème siècle par François de Fossa. Si ce document n'est qu'un recencement d'actes originaux en faveur de St Michel de Cuxa, il a le mérite de nous éclairer sur les habitants, leurs cultures et leur habitat. En effet, entre 945 et 1048, on retrouve la mention de ''Vallventose '' dans une vingtaine d'actes en faveur de l'abbaye de St Michel de Cuxa. Pour exemple :

- En 945 : la vente par Ansefred et son épouse Adanasia pour 16 deniers d'un" sacrarium" dans la "valle de Ventuosa ad domum Sanct Juliani"

- En 956 : la donation d'une vigne à Vallventosa par Jean et son épouse Fahilo.

- En 1037 : serment sur l'autel de St Julien à Vallventose du leg d'alleux ( terres ne relevant pas d'un fief seigneurial )  à St Michel de Cuxa suivant les dernières volontés de Bernard. 

- En 1048 : une donation de Gilfred d'alleu "in vila que dicunt Vallventose"

Des donations situées à Vallventose ont également été faites en faveur de l'évêque d'Elne, dénommé Walade, par un certain Oliba, comme l'attestent deux actes datant de 944. Il s'agissait de vignes et de terres achetées à plusieurs personnes : à Nanatario et son épouse Anna, à Godinus ainsi qu'à Ansefred et son épouse Adanasia ( déjà cités dans l'acte de 945 ) 

D'autres établissements religieux, comme l'abbaye de Sainte-Marie d'Arles, bénéficient aussi à cette période, de donations situées à Vallventose.

Comme le montrent ces textes, il y avait dans la vallée de Vallventose une population assez dense ( On compte une dizaine de noms de famille et autant de noms d'individus) avec un habitat de maisons ou de mas mais on ne sait pas dire s'il s'agissait d'un village groupé autour d'une église. On voit que ces habitants étaient des "alleutiers" c'est à dire des propriétaires qui disposent librement de leurs biens. 

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L'existence de la chapelle St Julia dans les textes

Si l'on se réfère à l'acte daté en 945, où l'on mentionne un "sacrarium" qui pourrait être un petit édifice derrière l'église et aussi le nom de Saint Julien, l'existence de l'église de Saint Julia est très probable au Xeme siècle. Quatre vingt douze ans plus tard, en l'an 1037, on note un serment fait sur l'autel de St Julien de Vallventose pour un leg à St Michel de Cuxa, suivant les dernières volontés d'un certain Bernard. Cela indique que les personnes se tiennent dans l'église.

A partir de 1395, l'église n'est mentionnée que comme une chapelle rurale. Elle a perdu son statut d'église paroissiale. Les habitants se regroupent probablement autour du château de Corbère délaissant  la vallée de Vallventose et St Julia.

Au XVIème siècle, le lieu de Vallventose n'apparaît pas dans les recensements de feux. Enfin, sur le cadastre napoléonien daté de 1814 ce n'est plus qu'un bâtiment agricole cité comme étant " ruines de l'église d'en Braset". 

Mais grâce aux adhérents de l'ASP2C, 1000 ans plus tard, l'église St Julia redevient une église, un lieu calme et serein entouré de nature.

Le cimetière médiéval

Alertés par la découverte de tombes suite aux travaux entrepris par l'ASP2C pour réhabiliter la chapelle, le pôle archéologique du département entreprend des fouilles au printemps 2008. Il s'attache à l'étude du cimetière et à celle du bâtiment.

Une cinquantaine de tombes seront étudiées dans la partie sud et autour de l'abside. La découverte de coffres le long de la rivière St Julia laisse penser que le cimetière occupait une surface assez importante. De ces cinquante sépultures étudiées, les archéologues en dénombrent vingt-trois pour des adultes et dix-neuf pour des enfants. L'état des autres sépultures ne permettant pas d'identifier les défunts.

Les coffres sont réalisés en dalles de schistes verticales, fermées par une ou plusieurs dalles. Deux tombes d'adultes sont recouvertes d'un radier ( partie maçonnée) ce qui laisse supposer qu'elles étaient visibles en surface. Parmi ces tombes, trois contenaient des petits vases qui pouvaient contenir de l'eau bénite. 

La présence d'un linceul autour des corps reste difficile à identifier même si la posture des ossements de certains défunts le laisse supposer.

Vue générale des fouilles du cimetière et des tombes d'adultes 

Fouilles a st julia

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A Saint Julia, les tombes d'enfants sont réparties autour du chevet de l'église, ce qui correspond à la zone d'inhumation classique à cette époque. Ce qu'il y a de remarquable c'est qu'elles sont presque toutes en bâtières ( en forme de toit ) Ce sont deux dalles fichées dans une fosse, fermées aux extrémités par deux autres dalles plus petites. Ce type de sépulture n'est pas fréquent en Roussillon.  

Tombe d'enfant 

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Etude du bâtiment

Lorsque le pôle archéologique départemental entreprend l'étude du bâtiment en 2008, l'église de Saint Julia est partiellement restaurée. Le mur sud et le portail d'entrée sont dégagés de l'emprise des sédiments ce qui permet de faire le tour complet de l'édifice. La base de l'abside est apparente, les murs nord et sud ont été complétés et remontés par l'ASP2C ainsi que le haut du portail d'entrée maintenant surmonté d'un petit clocher. L'église n'a pas encore sa toiture et l'abside doit être reconstruite.

Le compte-rendu du pôle archéologique montre une analyse complexe du bâti. L'église aurait subi plusieurs transformations. Si l'organisation du cimetière correspond bien a un édifice avec une abside semi-circulaire, les fouilles font apparaître que les fondations de cette abside recoupent des tombes qui pourraient appartenir à un bâtiment primitif. Les archéologues supposent que la première église pouvait être un bâtiment rectangulaire de 5m de large sur 11m de long. A partir de la datation au carbone 14 des ossements des sépultures en partie prises dans les fondations de l'abside, ce premier édifice aurait été construit entre 770 et 990.  Il n'en reste probablement que la base du mur sud où l'on distingue des blocs disposés en épis. L'accès à cette église se faisant par une porte maintenant murée. Sur ce côté sud, un bâtiment pouvait être accolé à cette première église. Mais la tranchée creusée pour dégager le mur sud de la terre qui l'emprisonnait n'a pas permis une étude approfondie. Seule la base des murs de cette construction, qui prend naissance à hauteur des murs de l'église originelle, peut laisser penser qu'elle serait contemporaine.  D'une largeur de 3.5m sur 11m, il n'est malheureusement pas possible de savoir s'il s'agissait d'un bâtiment ou simplement d'un enclos.

Ensuite, l'église primitive aurait été rallongée et l'abside semi-circulaire construite. La datation au carbone 14 de sépultures touchant l'abside, indique une période entre 970 et 1050. Si l'on peut envisager que cette dernière, aux fondations solides, pouvait être voûtée en cul de four, il est peu probable que cela soit le cas de la nef qui devait probablement supporter une charpente.  

Mur parallèle au mur sud qui pouvait être un enclos ou un bâtiment 

Mur enclos

Vue de l'abside reconstruite. A la base, la partie datant du Xeme siècle

Abside  

Détails du mur sud, où l'on peut distinguer les différentes périodes de construction : à droite, le prolongement de la nef, après l'abside. A la base, vers la gauche, en épis, les blocs de l'église primitive avec sa porte murée. Enfin la partie haute et centrale qui correspond  à la réhabilitation de l'ASP2C.

Mur sud    

A l'époque moderne l'église est transformée en bâtiment agricole. Le mur nord, dont une partie ( environ 3.5m ) raccordée à l'abside date vraisemblablement du Xème siècle. L'autre partie, plus récente, comporte des trous de boulins. Le portail d'entrée est probablement lié au bâtiment agricole. La porte est désaxée. Cela s'explique par un mur de terrasse, aujourd'hui disparu, qui venait s'appuyer sur la droite de la façade. 

Aujourd'hui, avec la restauration entreprise par l'ASP2C, l'église subit sa quatrième transformation. Elle retrouve ainsi sa fonction initiale ; elle reste toujours une église où une fois l'an, pour l'Aplec, se rassemblent les amis de St Julia de Vallventose pour y célébrer une messe en l'honneur de Saint Julien.      

Mur nord avec ses deux rangées rangées de trous de boulins

Mur nord avec trous de boulins

Portail d'entrée avec sa porte désaxée et le clocher construit par l'ASP2C

Facade 

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